Le déménagement ça nous déracine l'existence, ça bouleverse, ça empêche de s'ancrer dans not
8ans- La compagnie Price transfère mon père dans ses bureaux de Chicoutimi. Mes parents achètent un terrain voisin de mon grand-père maternel à St-Honoré et y font bâtir la maison en mai 1971.
L'endroit où j'habitais, l'endroit qui m'a vu grandir est l'enseigne qui loge mes souvenirs. L'ancrage de ma courte vie. Ce ne sont pas que des cartons qui vont s'engouffrer dans ce gigantesque camion de déménagement, c'est tout mon bagage de sentiments que l'on exporte ailleurs.
Mes parents me parlent du déménagement comme d'une nouvelle aventure. Parlez pour vous! Pas facile de voir ce délogement positivement quand je le compare à un incendie, il ne reste que cendre et fumée. Cette mouvance, c'est repartir à zéro: L'école, les amis, trouver les lieux où me réfugier, découvrir les éléments de la nature qui m'apaise, me console les peines.
C'est si déchirant pour moi de laisser derrière mon beau bateau le Roberval et son équipage que je chéris. Penser que je n'entendrai plus le chant captivant des oies sauvages au printemps et à l'automne. Plus jamais je ne pourrai m'émerveiller de leur balai gracieux lors de leur envolée matinale. Je vais m'ennuyer du craquement sinistre de la fonte des glaces et de l'impressionnant paysage que la rivière façonne sur les rives. Les bonnes beans du père Goulet cuitent dans le sable à la mode amérindienne. Les poules des Boily que je ne pourrai plus pourchasser. Ma petite rivière où j'aimais capturer les grenouilles. Ma plage où j'ai appris à nager. Les pitounes échouées sur la plage avec lesquelles je faisais des cabanes avec les Goulet et les p'tits Noël. Les patinoires que les grands faisaient sur la rivière. Quitter mon meilleur pote Bernard. Je ne m'ennuyais pas à Péribonka même dans la solitude.
St-Honoré, c'est le bout du monde. Ben oui! le bout du monde pour moi. Ce qui avait disparu depuis un certain temps revenait me hanter, c'est- à -dire mes maux de ventre et les nausées. Je ne voulais pas déménager mais c'est pas moi qui décide.
Aller vivre ailleurs faisait aussi écho aux difficultés vécues lors de mon adaptation à la rentrée des classes. Je me sentais comme tirer par un énorme aimant vers un retour en arrière, angoissé de devoir tout recommencer.