Le test de fertilité
Ben ! voilà je suis à la clinique de fertilité, un lundi 8h30 ça me stresse un peu. Non, je suis hyper stressé, je n'ai aucune idée du genre de test que je vais devoir passer. Pour mettre un peu plus de suspens sur l'aventure et me laisser le temps de me faire pleins de scénarios, la secrétaire vient nous dire: « Désoler monsieur, dame, le médecin spécialiste est pris dans un bouchon de circulation, il s'excuse pour son retard.»
Parfait que je me dis, partons, nous reviendrons un de ces jours ou jamais si ce n'était que de moi.
9h30, le spécialiste arrive, c'est une femme, j'avoue que ça me soulage un peu, je suis plus à l'aise de parler de mon corps intime avec une femme. Les tests commencent par un colossal questionnaire, qui s'introduit intimement en profondeur, tous les moindres recoins de votre vie sexuelle antérieure et actuelle sont rigoureusement scrutés à la loupe, tout y passe. Une vrai torture, le supplice chinois de la goutte me paraissait moins douloureux. C'était compliqué de répondre aux questions puisque je me devais de censurer quelques informations sur ma personne. M'enfin comment m'en sortir autrement? À moins de tout dire sur ma double identité de genre! Ce n'était pas vraiment le bon moment pour mettre à jour ce grand secret.
Mon conjoint et moi passons à travers tous les tests, questionnaires, mesures des organes génitaux, échographie, spermogramme, prise de sang etc.
Par la suite, ils nous suffisaient d'attendre les résultat. L'appel arrive huit semaines plus tard pour nous donner un rendez-vous, tous les résultats étaient arrivés.
Le jour fatidique, j'étais nerveux sans bon sens! Je me faisais penser à un de ces gars dans les vieux films qui longeaient le couloir, ce faisant du mauvais sang pour sa femme qui accouche. (rire). Sans blague, j'avais la trouille que l'on m'annonce que j'étais fertile, que le problème se situait entre mes deux oreilles. Entre nous, chers(ères) lecteurs(trices), je n'avais pas besoin d'un doc pour me dire que dans ma tête, ça ne tournait pas rond.
VERDICT: « Monsieur, chez vous, tous vos tests sont normaux. Madame, vos tests présentent un taux de testostérone plus que supérieur à la normal, ce qui explique votre pilosité abondante. L'échographie démontre aussi une anomalie de vos ovaires. Je dirais que vos chances d'être enceinte sont nulles........»
Plus il parlait et plus mon sourire s'élargissait, ce qui devait paraître un peu bizarre aux yeux du doc. J'imagine que la plupart des femmes s'effondrent en larmes. Il allait poursuivre quand je me suis: « excusez-moi, continuer avec mon mari, je m'absente quelques minutes aux toilettes. » Dans le corridor une petite voix dans ma tête disait: « yes, yes! je ne suis pas fou, le ''petit homme'' dans ma tête est réel, il n'est pas le fruit de mon imagination, je suis seulement un semblant de femme, un défaut de fabrication, j'ai un taux de testostérone supérieur. WOW! j'en reviens pas.»
Nous avons quitté la clinique, tout au long du trajet, nous n'avons eu aucun échange sur le verdict, nous étions plongés dans nos pensées. Je regardais se défiler le paysage et je ne pouvais m'empêcher de sourire de soulagement. Je ne me souciais pas des sentiments que pouvait ressentir mon époux à ce moment-là. Je savourais, je venais de comprendre toute la complexité de mes deux essences, je n'étais pas cinglé, y avait une raison biologique à mon malaise du corps, il y avait bien en moi l'existence d'un homme.
À la maison, nous avons parlé de rien, mon conjoint s'était emmuré dans un silence total, il m'ignorait, me fuyait. Le choc de la nouvelle, je suppose. Je ne voulais pas savoir. Le lendemain il partait pour la Baie-James. Je crois qu'il avait besoin de réfléchir, moi aussi.
Il me dit: « Nous reparlerons de tout ceci à mon retour. »
À son retour, j'avais réfléchi, je savais que je n'avais plus le droit de lui cacher la vérité. Il était temps pour lui comme pour moi de lui avouer ma double identité et de demander le divorce.
« Écoute-moi attentivement, sans m'interrompre s.v.p. ce que je vais te dire n'est pas facile pour moi. Cette histoire de taux de testostérone supérieur prouve mes soupçons, depuis mon enfance que je sais que je suis un homme dans un corps de femme. Tu veux des enfants, que je ne pourrai jamais te donner, même s'il y avait un traitement possible, je le refuserais. Je t'avoue que je ne veux pas porter un enfant dans mon ventre, même si j'étais fertile puisque enfanter est aussi impensable pour moi que d'être femme. Si nous restons mariés, je vais te rendre malheureux. En fait, je me suis marié pour être adéquat aux exigences sociales. J'aime les femmes comme un homme aime une femme. Je crois, pour bien te connaître que tu pourras rendre une femme heureuse, cette femme-là n'est pas moi. Honnêtement, il serait mieux de mettre fin à notre mariage, aller plus loin ne fera que nous détruire. »
« Pourquoi, te marier avec moi sachant tout ce que tu viens de me dire ? »
« J'ai essayé d'être une femme, je constate que plus j'avance dans ma vie, plus il est souffrant de jouer un rôle social qui ne me convient pas. Je ne suis pas bien dans cette peau de femme, ce n'est pas qui je suis. Si tu m'aime, laisse-moi ma chance de me trouver, laisse-moi partir vivre ma vie, ma vie n'est pas celle-ci.»
« Je n'ai pas le choix, quoi que je dise, tu as déjà un pied en dehors de notre vie de couple. »
En disant ces paroles, j'ai senti la tristesse dans sa voix. Pour une rare fois, dans un élan je l'ai serré dans mes bras longuement. Et il est parti, je suppose dans un bar, puis chez un ami pour quelques semaines. Je devais réorganisé ma vie.
Après quelques semaines d'absence, il finit par me dire qu'il accepte la cohabitation, le temps que je puisse trouver un travail, un loyer, il est même près à me donner un aide financière. J'ai accepté cette aide précieuse même si je rêvais de pouvoir m'en sortir avec indépendance. J'avais grand besoin de cette aide pour un bon départ.
À Bientôt