Femme miroir!
Moi, le petit homme qui se cachait dans le noir pour faire l'amour, qui remontait les draps pour couvrir ce corps qui lui faisait honte, qu'il camouflait sous des vêtements amples et qu'il n'osait montrer nu en plein jour, ni même en sous-vêtements devant son ex-conjoint. Pareillement devant le miroir, le complexe du grand F me donne maintenant la nausée depuis l'événement de la clinique de fertilité.
Toi, le miroir au regard voyeur, je voudrais tellement te fracasser, t'incendier. Je voudrais te faire disparaître de ma vue, tu es partout comme élément de décoration. Tu es vanité parce que les gens aiment te regarder. Pour moi c'est une dure épreuve de te croiser, je ne tolère pas cette vision de moi, elle est fausse et mensonge de l'être que je suis.
Je voudrais tant hurler que je n'aime pas ce reflet que tu me transmets. Le miroitement de cette anatomie m'empoisonne le verbe être depuis l'enfance. Ta représentation du moi me rend fuyant de ta compagnie. Je t'exile désormais de mes appartements intimes pour ne plus subir cette chair à nu que tu t'amuses à exposer fièrement sans mon consentement. Je te bâche d'une serviette dans la salle de bain pour que tu ne jouisses pas de mes larmes à la vue de ce corps que je maudis de plus en plus.
Je t'évite partout où tu te trouves car tu es trop dépendant de l'être que je ne suis pas, je n'assume pas celle que tu m'infliges cruellement. Je te préfère au verso parce que tu ne me montres pas la vérité.
Certains me trouveront étrange de te tourner le dos alors que tout le monde t'admire. Mon moi ne se voit pas dans ton œil trompeur, il est quelque part ailleurs. Dans cette caricature du moi que tu me renvoies, je ne m'y reconnais pas.
Miroir, miroir, cesse de me torturer en me faisant croire que ce que je vois à travers toi est ma seule forme d'existence, cesse de ronger mon espoir de vivre mon essence au masculin.
Est-ce que cette possibilité de vivre le masculin m'attend dans un détour de ma vie? Ça c'est une autre trans de vie!
Salutation!