Mon père
Mon père sous ses airs sérieux et distingué est l'homme le plus silencieux que j'ai connu. Le type distant à l'autorité incontestable après celle de ma mère ( rire ). La voix suprême des interdits et de la discipline, c'est ma mère.
" Papa je peux? "
" Va voir ta mère, ça c'est son affaire. "
Il n'est pas de nature très démonstratif, tout comme ma mère, il aime l'ordre dans la maison. Il impose à ma mère notre éducation, il considère qu'elle est la mieux formée, étant enseignante pour réussir dans cette tâche.
Ce n'est pas celui qui nous donnera à profusion tendresse et affection, le côté humain demeure sa plus grande maladresse.
Cet homme que j'ai vu prendre la vie très au sérieux, trop je dirais. Ne lui demander pas ses états d'âme et ses sentiments il se ferme comme une huître protégeant sa précieuse perle. Son côté sérieux et peu jaseux, nous le fait paraître insensible et inclément, c'est une façade trompeuse, quand on le connaît un peu, c'est un grand anxieux de la vie.
Papa, n'est pas un grand sentimentaleux, je l'ai rarement entendu dire " je t'aime " à ma mère, encore moins échanger un baiser avec elle devant nous. Il nous aimait à sa façon.
Ce qui m'a le plus manqué de ma relation avec mon paternel, c'est de partager des activités père - enfant plus longtemps. À l'adolescence, j'ai éprouvé une vive souffrance de la séparation père-fille, imposée par ce tabou social qui oblige le père à prendre distance avec sa fille qui devient femme.
Il s'est alors effacé. C'est devenu alors un défi impossible de percer l'homme carapacé qu'était devenu mon père. Même présent il était absent.
À quoi je m'attendais de cette relation avec toi papa? Je suppose, d'apprendre de toi à me forger une personnalité masculine forte malgré la fragilité de mon corps féminin pour affronter cette société , à m'exprimer comme un homme, à prendre ma place dans ce monde. Ce qui m'aurait valu de ne pas prendre tout ce retard que je dois rattraper aujourd'hui pour me positionner sainement dans mes relations amoureuses et sociales, pour évoluer dans la sphère professionnelle. Ça se pouvait même pas.
J'avais tant espéré la reconnaissance de mon père sur ma masculinité, elle demeure encore silencieuse aujourd'hui. Je demeure elle, même si j'entends Samuel. À ses yeux je ne serai jamais cet homme que je suis.
