Jour 1 chez le spy...
C'est aujourd'hui que je tiens cette promesse faite à moi-même. Ce matin mon cellulaire me rappelle que le grand jour est arrivé, le jour de ma première rencontre psy. J'ai déjà hâte que la journée se termine à peine commencer.
Elle s'étire cette journée, elle se prélasse dans le temps. Les minutes, les heures s'écoulent lentement, elle s'éternise cette journée laissant le temps à mes pensées de me mitrailler la cervelle de craintes et d'incertitudes.
Voilà, un autre rappel à 17 heures pour m'informer que dans 2 heures je vais rencontrer celui, que j'espère sera mon sauveur.
Ouf! Je suis devant mon repas, il est sans saveur, rien ne rentre. Je mastique, je mastique encore et encore, rien à faire, les aliments roulent dans ma bouche incapable d'avaler quoi que ce soit. J'abandonne l'idée du repas, je verrai à mon retour de ma séance psy.
Je ne peux pas dire si mon ressenti à ce moment-là était de l'excitation ou de la peur. Mais j'avais un sacré mal de ventre, j'avais la tête en bouillonnement. Et si je n'arrivais pas à bien m'exprimer pour me faire comprendre, je ne suis pas très bon habituellement pour parler de moi. « Allez, un peu de courage mon vieux, tu es capable. »
18h30: Je suis dans le stationnement beaucoup trop tôt, une demi-heure à l'avance, on ne pourra pas dire que je suis en retard. Une demi-heure encore devant moi, c'est assez pour me laisser penser à m'enfuir, j'ai encore du temps pour renoncer, malgré mon fort désir d'être enfin l'homme que je suis. La peur, elle s'incruste dans mon esprit me dictant: « et si ce n'était pas la bonne chose à faire? ». Je ne peux rester en place, je marche de long en large dans le stationnement en fumant cigarette après cigarette, cogitant sur ma vie que je vais raconter à ce psy.
Ce n'est pas une simple causerie, je vais plaidoyer ma cause trans, il sera le juge de ma condition. Et si ça ne marchait pas? J'ai déjà vécu des expériences négatives avec des psys par le passé. Ce n'est pas la confiance qui m'étouffe côté psy, mais ai-je le choix, si je veux m'épanouir un jour ?
18h45: Oh! boy, nonobstant mon désir de fuite toujours présent, je pousse la porte d'entrée en me disant « va-y, fais-toi confiance pour une fois. » Je m'assieds dans la salle d'attente. Une douce musique de relaxation m'accueille. J'essaie tant bien que mal de me laisser imprégner de cette ambiance relaxante pour faire retomber un peu la pression qui me corrode l'intérieur.
17h00 tapant, le glas a sonné, il est désormais trop tard pour une tentative de fuite. Dr. Nguyen m'invite à passer dans son bureau. Je tremble et j'essaie de me concentrer pour que cela ne se voit pas trop.
« Bonjour, j'aurais besoin de savoir quel prénom et quel pronom j'utilise pour m'adresser à vous.»
« Samuel et il s.v.p. »
« Lors de notre conversation téléphonique, vous avez dit vouloir me consulter pour transsexualisme. »
« Oui, c'est bien ça. »
Je n'en revenais pas, je n'avais pas dès le départ à justifier d'être nommé par mon prénom masculin, j'ai senti mon corps se détendre, mes tremblements s'apaiser, mon rythme cardiaque se ralentir.
Il m'explique la durée des séances, le nombre de séances obligatoires du suivi de la transition. Il m'indique aussi que ces séances vont se passer à mon rythme et qu'au bout des six mois de thérapie, c'est moi qui décide de leur finalité.
Bon jusque-là rien de bien nouveau pour moi, j'avais déjà lu la procédure des suivis transidentitaires dans plusieurs articles du net. J'étais à l'aise avec ce contenu de la thérapie, je voulais que les étapes de la transition se passent bien. Je voulais vivre chaque étape avec une bonne réflexion pour me donner la chance de les affronter le mieux possible.
« À quand remonte votre ressenti masculin Samuel ? »
« À l'enfance, mais je ne l'interprétais pas comme étant un ressenti masculin, je dirais que je ressentais un fort sentiment de peine face aux interdits sociaux d'aimer ce qui appartenait au monde masculin. Je me sentais une petite fille hétérogène de mes semblables féminins, sans toutefois pouvoir l'expliquer à cette époque. »
« Avez-vous eu des manifestations de ce ressenti de quelque manière que ce soit auprès de vos parents ? »
« Hum! Je n'ai pas eu de grosses manifestations comme de la colère ou autres types de manifestations. J'étais un enfant assez docile, pas très revendicateur. J'ai souvent pleuré par incompréhension des choses. J'ai souvenir que ma mère me raisonnait beaucoup pour me faire comprendre l'importance de ces obligations de la vie. »
« Diriez-vous que vous avez eu une enfance heureuse? »
« Je ne dirais pas cela, mais mon enfance n'est pas la période la plus malheureuse de ma vie, j'ai de beaux souvenirs de mon enfance à Péribonka. Les moments douloureux de mon enfance se situent au niveau de la socialisation en dehors de l'enceinte familiale et amicale habituelle, c'est à ce moment que le combat du moi féminin contre le moi masculin à commencer, ce tourment n'a jamais cessé depuis. »
Ici, prenait fin la première séance. Mon bilan après cette première heure était positif, j'avais réussi à me détendre complètement, j'étais en face de quelqu'un, qui, enfin comprenait ce que je vivais. J'avais bon espoir d'établir un bon lien de confiance avec le dr. Nguyen.
Une fois dans mon véhicule, je me suis senti épuisé, vidé, mais apaisé, content de ce début vers le moi. La peur qui m'envahissait n'avait plus d'écho en moi, j'allais être entendu dans ma souffrance et pour moi c'était un grand soulagement.
Au plaisir de se revoir pour la suite