Affronter l'inconnu...
Maintenant que j'avais terminé mon coming-out auprès des personnes les plus significatives dans ma vie personnelle, me restait à affronter plus vaste encore: LES INCONNUS.
Mais comment?
Cela me demandait de l'imagination, si je voulais éviter de vivre ce grand malaise de la difficulté qu'ont les gens à mal genrer les personnes transgenre à la frontière entre le féminin et le masculin.
J'habite le même petit village depuis une quinzaine d'années, peu de sa population Ste- Angeloise connaissaient mon prénom de naissance avant la transition mais ils pouvaient affirmer me connaître du genre féminin sous une apparence de garçonne.
J'aime ce petit village au bord du Fleuve St-Laurent, je m'y sens chez moi, même si mes racines sont profondément Saguenayennes. Je n'avais pas l'intention de déménager. Ce que je voulais, c'était trouver une stratégie, le temps de compléter ma transition pour ensuite réapparaître si on veut comme le nouveau inconnu arrivé au village. Tout un défi vous me direz. Je trouvais aussi. Pas facile de vivre incognito dans un aussi petit village !!!!
Il me fallait éviter le plus possible les dommages collatéraux de ma réassignation sexuelle sur ma personne, sur mon moral et ma santé mentale. Je savais que je ne pouvais les éviter tous. J'en avais pour deux longues années à me cacher, c'est un bail. Deux ans pour que toutes les étapes de transition soient franchies: les chirurgies et le changement de prénom et de mentions de sexe à l'état civil. Je ne pouvais pas me cloîtrer entre les quatre murs de mon appartement à attendre d'être l'homme crédible. Il y avait donc toute une routine de vie à repenser.
Dans mon premier plan, je prenais une année de congé du travail pour me construire sans ce stress supplémentaire me disant que mon retour en serait facilité... Je ne pouvais pas me permettre financièrement cette option. Avec la séparation récente, j'avais un salaire en moins pour payer les factures, les nombreuses dépenses que m'occasionnaient les rendez-vous médicaux qui étaient tous à Montréal et venaient amaigrir le porte-feuille. J'avais donc pas le choix de vivre cette tranche de vie parmi mes collègues.
En dehors du travail, il y a aussi l'épicerie, le coiffeur, la banque, la pharmacie, le bureau de poste, la salle de gym, le magasinage, le garage, les loisirs, la bibliothèque municipale et j'en passe... Tous ces lieux où je n'avais pas envie de faire un coming-out...
J'allais faire une grosse épicerie par mois en alternance entre Trois-Rivières, Cap-de-la-Madeleine et Shawinigan, ainsi les gens remarquaient moins ma transitude... Je fréquentais que les guichets automatiques et payais tout en argent pour éviter que l'on repère mon prénom féminin sur ma carte bancaire ou de crédit...
J'ai cessé pour les huit premiers mois mes visites chez le coiffeur, je rasais mes cheveux plus courts au rasoir.
J'ai abandonné la salle de gym et me suis équipé de quelques accessoires pour un entraînement maison aussi efficace.
Le magasinage de vêtements, le village des valeurs est parfait puisque que les cabines d'essayage ne sont pas sexuées par genre... J'échappais au «Madame, vous vous trompez de salle d'essayage».
J'ai gardé mon dossier chez Jean Coutu de Nicolet, ma transitude a été reçue avec respect et discrétion de la part de tout le personnel, dès le début on m'interpellait par mon prénom Samuel.
Mon véhicule n'étant plus garanti, la mécanique pouvait être fait par mon grand chum Gros-Louis ( surnom affectueux pour ce grand gaillard de 6 pieds 10 pouces de 300 livres avec aucune once de gras en surplus.) ( rire ).
J'ai dû me priver de lecture pendant ma première année de croissance de l'être, j'ai refait une inscription à la bibliothèque municipal de Bécancour sous mon nouveau prénom une fois que mon apparence physique d'homme n'était plus trompeuse...
Ainsi, j'ai aisément passé au travers du passage du féminin vers le masculin... Aisément, mais pas sans incident tout de même dont je vous ferai part prochainement...
BYE BYE !